Quelle éducation à la citoyenneté pour quelle démocratie ? Perspectives transnationales du XIXe au XXIe siècle

  • Jeudi 31 octobre 2019 à
  • Paris, France

https://calenda.org/657178


Description

Quel citoyen et quelle citoyenne pour quelle démocratie ? Avec l’extension progressive du suffrage, dès lors que la politique ne se laissait plus penser sans le corps électoral, philosophes, politiques, pédagogues, activistes, citoyennes et citoyens, ont mis en discussion différentes approches de l’éducation à la citoyenneté. Dès la fin du xviiie siècle, leurs réflexions, du développement de « valeurs républicaines », d’une « culture politique démocratique » (« demokratische politische Kultur ») jusqu’à l’idée d’une émancipation « par le bas », se sont retrouvées aussi bien à l’école que dans les pratiques d’acteurs non-étatiques. En sciences humaines et sociales, ces apports théoriques et pratiques à la question de la citoyenneté sont le plus souvent construits comme des cas d’étude séparés, dans des contextes nationaux pensés comme cloisonnés. Ils sont pourtant traversés de questions récurrentes. Comment articuler l’individuel et le collectif ? Comment faire valoir l’éducation à la citoyenneté sans la prescrire ? S’agit-il de favoriser l’adhésion des citoyens au projet démocratique avec toutes ses imperfections, ou de rendre possible sa critique et, partant, l’émancipation politique ?

Avec l’objectif d’historiciser les diverses réponses à ce défi démocratique, le colloque réunira des spécialistes de différents pays et disciplines telles que l’histoire, la philosophie, les sciences de l’éducation, la science politique ou la sociologie. Il adoptera une perspective d’histoire sociale des idées politiques, de manière à questionner les évolutions des représentations de la démocratie et de la citoyenneté dans les discours et les pratiques sociales (Skornicki et Gaboriaux 2017). Les contributions pourront prendre en compte des sources aussi diverses que les réflexions d’intellectuels, du corps enseignant ou d’activistes, les programmes, manuels et pratiques des acteurs de l’éducation scolaire et non-scolaire, les productions et revendications d’élèves, les médias, les productions artistiques, etc. Au lieu de se concentrer uniquement sur les productions intellectuelles, il s’agira donc de mettre en relation les discours et pratiques de différents acteurs pour envisager la citoyenneté non seulement comme concept mais aussi comme mode d’action démocratique (Isin et Nielsen 2008). Le colloque proposera une approche d’histoire croisée en posant la question des différences et similarités, mais également des circulations et transferts entre contextes démocratiques, favorisés par des migrations et des moments de rencontre (Werner et Zimmermann 2003). Par ces approches, le colloque visera à dépasser les perspectives nationales, normatives et téléologiques souvent adoptées dans l’historiographie de l’éducation à la citoyenneté et de la démocratie.

Les communications pourront s’articuler sur les dimensions suivantes :

  • Les concepts de l’éducation à la citoyenneté : les contributions pourront réfléchir aux différentes approches de l’éducation à la citoyenneté, à commencer par ses diverses appellations dans le temps et dans l’espace (« instruction civique », « citizenship education », « staatsbürgerliche Bildung », etc.), ainsi qu’au déploiement, à la réception et à l’adaptation dans différents contextes des divers concepts, récits et mythes, symboles ou références culturelles dans l’éducation à la citoyenneté.
  • Les crises, ruptures et continuités : les contributions pourront s’intéresser aux mutations, ruptures et continuités des discours et pratiques de l’éducation à la citoyenneté dans des moments de crises sociales, de conflits, de bouleversements politiques (à l’instar des révolutions du long xixe siècle), d’élargissements du corps électoral ou de modification des systèmes éducatifs. Comment l’éducation à la citoyenneté s’inscrit-elle en amont de périodes de changement et quelle place peut-elle y trouver ? Comment évolue-t-elle à la suite de ruptures majeures ? Comment l’ambition de façonner un « nouveau » citoyen, une « nouvelle » citoyenne s’articule-t-elle aux récits concurrents sur le passé et aux politiques de mémoire ?
  • Les dynamiques d’inclusion et d’exclusion : le colloque s’intéressera aux lignes de distinction opérées par les acteurs de l’éducation à la citoyenneté au sein de la société, comme la classe sociale, l’âge et la génération, le genre, la nationalité, l’origine, la « race », la religion, les convictions politiques, etc. Les contributions pourront ainsi demander si et comment plusieurs conceptions de la citoyenneté coexistent selon différents types de publics, à qui est spécialement destinée l’éducation à la citoyenneté et avec quels objectifs différenciés, etc.
  • Les divergences de perspectives entre acteurs: pour dépasser un prisme stato-national, voire « scolaro-centré », les contributions mettront en relation les perspectives d’acteurs aussi divers que les autorités éducatives étatiques, les corps enseignants et leurs organisations syndicales, les organisations internationales, les acteurs de la société civile à tous niveaux (comme les partis politiques, les associations, les sociétés philanthropiques, les médias, les institutions religieuses, etc.), les citoyennes et citoyens, etc. Elles pourront se demander comment les uns et les autres renforcent ou contestent le rôle central pris par les acteurs étatiques dans l’éducation à la citoyenneté au cours du xixe siècle en fonction de leurs intérêts propres et de leurs positionnements politiques. Comment ces différents acteurs négocient-ils la tension entre, d’un côté, la dimension intrinsèquement politique de l’éducation à la citoyenneté, et, de l’autre, la revendication fréquente de son apolitisme ? Elles pourront également interroger le lien entre les cultures politiques, les pratiques de ces différents acteurs et leurs approches de l’éducation à la citoyenneté : ainsi, des salles de classe aux colonies de vacances en passant par l’espace public, quel rôle jouent les différents lieux et moyens mobilisés pour l’éducation à la citoyenneté ?
  • Les jeux d’échelles : en suivant une approche transnationale, le colloque explorera les jeux d’échelles dans les réflexions et pratiques des différents acteurs : pour quels espaces, pour quelles communautés imaginées l’éducation à la citoyenneté a-t-elle pu être conçue et mise en œuvre ? Quelle place est restée pour des formes de citoyenneté non-nationales (notamment locales) ? Sachant qu’elle est venue d’acteurs de plus en plus divers (des organisations internationales aux ONG), comment s’est articulée la réflexion pédagogique autour de formes de citoyennetés supranationales (« européennes », « globales », etc.) depuis la deuxième moitié du xxe siècle ? Comment s’articulent ces différentes échelles de la citoyenneté entre elles ?